ACTUALITÉS NATIONALES
16 septembre 2021
Échec de l’Éducation Nationale : la faute à qui ? A quoi ?
Pierre Puybaret, directeur d’école, propose une analyse sans concession de la situation. A savourer comme il se doit.
Les résultats de la France au test Timss dégringolent en mathématiques.
La même année, la Finlande a obtenu 532, le Royaume-Uni 556, le Japon 593 et la Corée du Sud 600. On pourrait dire : "sans commentaire"…Et pourtant, il en existe un qui circule.
Blâmer la formation universitaire des enseignants : un lieu commun inopérant
Les résultats des élèves français seraient mauvais parce qu’instituteurs et professeurs des écoles seraient mauvais en mathématiques. C’est une évidence, nous dit-on, puisqu’ils proviennent très majoritairement de filières littéraires.
Cette conclusion lapidaire amène à penser que les enseignants de primaire de 1995 étaient des cadors en mathématiques puisque la France était alors en tête de ce même classement. Un passé désormais bien loin de nous. Notre ministère lui-même en atteste.
J'aimais bien, moi, la petite "bosse" des excellents en 1987, une bosse ratiboisée en 2017 au nom de la "lutte contre les inégalités".
Au nom d’un égalitarisme forcené, la France a réussi à brider ses meilleurs éléments. Quel succès !
L'école de la République, celle de la vraie égalité, c'est celle qui offre à tous la possibilité d'intégrer cette "bosse" des excellents, et non celle qui se contente d’offrir le Bac à 93,8 % de ses élèves...
Mais alors, puisque nos enseignants sont des spécialistes du français, comment alors expliquer le graphique suivant ?
Ah, ces littéraires !!!
Non seulement ils s’avèrent incapables d'enseigner les mathématiques, mais en plus ils ne parviennent même pas à enseigner la lecture !!
Expliquer le naufrage de l'éducation nationale française par la faiblesse des compétences des enseignants semble donc une piste bien fragile.
Un naufrage équitablement destructeur
Aujourd’hui, les enfants de « riches » ont les performances des enfants de « pauvres » en 1987.
Cela aurait pu aboutir à une égalité en tirant vers le bas, mais même pas ! Le constat est encore bien plus tragique.
Les résultats des élèves de toutes les catégories socioprofessionnelles ont tous sombré de la même manière depuis 1987.
Est-ce là l’égalité que notre pays vise pour ses enfants au XXIème siècle ?
Les évolutions sociétales sont une explication communément avancée pour expliquer cette dérive. La surexposition aux tablettes et autres écrans expliquerait l'effondrement des capacités de concentration de nos élèves... Mais comment font donc les autres pays ? Leurs enfants n'ont pas accès aux écrans ??
Là encore, la piste est plausible, mais elle ne peut pas être la cause principale des échecs des élèves français.
Dans ces conditions, quelles solutions envisager pour redresser la barre ?
Augmenter les moyens de l’Éducation nationale : la fausse bonne idée
Depuis 40 ans, les syndicats majoritaires clament que pour régler les problèmes de l’Éducation Nationale, il faudrait plus de moyens, plus de moyens, plus de moyens !!
Raté !!
La hausse des moyens n’a pas (encore?) enrayé le mouvement.
Encore raté !!
Au passage, on peut remarquer que certains pays obtiennent de meilleurs résultats que la France tout en consacrant à l’éducation une part plus congrue de leur richesse ! Ce n’est pas une règle absolue pour autant.
Mieux payer les enseignants : une nécessité mais pas une solution
La question des salaires est une vraie question. Elle est à dissocier de la problématique des résultats.
A trop clamer que la faiblesse des rémunérations détourne les meilleurs de la profession, on laisse entendre que les collègues en poste sont des perdants incompétents qui se sont retrouvés là par défaut. Cette allégation est une contre vérité manifeste et une insulte à notre engagement !!
Alors, oui, bien sûr, nous méritons un bien meilleur salaire. Mais tout n’est pas corrélé. Si on double ma paie, ce n'est que justice, mais mes élèves ne verront pas leurs résultats doubler !
Proposer une meilleure formation continue aux enseignants : un chantier à mener
Nous le savons tous pour l'avoir vécu : la formation initiale n'a qu'un lointain rapport avec la réalité du métier !
Quant aux 23% de collègues satisfaits de leur formation en "gestion de la classe et du comportement", je voudrais bien savoir où ils ont été formés !!
La formation continue est aujourd’hui imposée dans ses thèmes, sa forme, sa durée. Elle est proposée hors sol, en plus du temps de travail en classe dans le primaire. Elle est aujourd’hui vécue comme une contrainte et non comme une opportunité.
D’ailleurs, la formation continue est si indigente, que, même gratuite et sur le temps de travail, qui en veut encore ?
Subie, la formation ne sert à rien. C’est un système dans son ensemble qu’il faut rebâtir pour que la formation réponde aux besoins, devienne utile et efficace.
Réinstaurer l’autorité des maîtres : une piste intéressante
En France, il est toujours interdit d'interdire.
La sanction est perçue comme une insupportable coercition, une injustice, une violence... et non pour ce qu'elle est : la juste rétribution d'un acte, la parfaite symétrie d'une légitime récompense.
Oui, on sait, carotte et bâton, c'est pâââs bien, c'est prendre nos élèves pour des ânes ! Ok, on continue comme ça alors et on en génère de véritables !!
De nombreuses études font pourtant apparaître un lien robuste entre le respect de la discipline et les résultats scolaires... A méditer, non ?
Retrouver un cadre de travail qui permette de réussir : la condition incontournable
Aujourd’hui l'inclusion à tout crin et l'invraisemblable hétérogénéité des classes poussent au burn out ou à la démission une génération de collègues confrontés à l'insuffisance structurelle de leur "différenciation", véritable "tonneau des Danaïdes de Sisyphe" !! Le choix de l’inclusion est plus que louable. Encore faut-il que les moyens matériels et humains mis en œuvre soient à la hauteur des ambitions. Encore faudrait-il que l’on admette qu’une inclusion réussie ne consiste pas à ajouter 1 à la colonne des enfants accueillis par l’Éducation Nationale.
Les classes surchargées, parfois à niveaux multiples, les élèves « notifiés » sans AESH ou qui doivent se la partager, les locaux à la limite de l’insalubrité, les salles sans possibilité d’aération, tout cela concourt à entraver le travail scolaire, à miner le moral et les performances de tous.
Il faut aussi admettre que des programmes aux libellés non quantifiables ne peuvent pas répondre positivement à une évaluation par des tests internationaux quantifiés ! En l'absence de niveaux d'exigence clairs, précis, objectifs, notre mission est donc de faire "au mieux", qui, comme chacun le sait, est l'ennemi du "bien". Réussir devient impossible.
Jusqu’en 1986, des collègues bac + rien parvenaient à obtenir de leurs élèves des résultats nettement supérieurs à ceux d’aujourd’hui, en se prenant bien moins la tête. La réussite éducative à la française est donc possible. A condition de procéder à quelques aménagements.
D’ici là... Bon courage à tous, avec le sourire, l'énergie et la conviction qui nous animent !!
Pierre Puybaret,
Directeur d'école
Membre du bureau national du SNE