ACTUALITÉS NATIONALES
22 septembre 2021
Nouveaux programmes pour l’école maternelle
Pas de quoi s’inquiéter, mais des écueils à éviter
Après la loi pour une école de la confiance, l’obligation d’instruction à 3 ans et l’accent mis sur les fondamentaux, il était certain que des nouveaux programmes de maternelle seraient rédigés. Ils sont d’ores et déjà en vigueur depuis cette rentrée de septembre 2021.
Des questions apparaissent alors légitimes : était-il nécessaire de proposer de nouveaux programmes alors que ceux de 2015 étaient largement appréciés ? Quels nouveaux bouleversements connaît l’école maternelle ?
Une évolution plus qu’une révolution
A vrai dire, ces nouveaux programmes n’ont de « nouveaux » que le nom. Pour être clair, les derniers programmes de 2015 n’ont pas subi de grand remaniement. Les principes fondamentaux n’ont pas été remis en cause. Disons plutôt que des ajustements ont été effectués.
Vous pourrez le constater grâce au comparatif EDUSCOL entre les programmes 2015 et 2021.
Des principes réaffirmés
L’école maternelle est le lieu où les élèves vont apprendre – à leur rythme – à aimer apprendre. C’est aussi le lieu des premiers apprentissages liés à la socialisation, à l’ouverture au monde et à la curiosité.
La place du jeu et du langage oral, mais aussi de l’évaluation positive, permettant de faire progresser les élèves selon leurs besoins, reste centrale.
Les activités physiques, sportives et artistiques gardent toute leur dimension.
Des repères proposés par âge ou par section ont également été gardés.
Des évolutions intéressantes
Le SNE est attaché aux apprentissages fondamentaux. Notre syndicat se félicite de pouvoir lire que notre école maternelle se veut « accueillante pour tous mais aussi ambitieuse pour chacun ».
L’accent est mis sur :
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l’enrichissement du vocabulaire (permettant une compréhension et une expressions plus fines),
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l’acquisition et le développement de la syntaxe,
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la construction du nombre en tant que quantité
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et la résolution de problèmes.
Des écueils à éviter
Bien que l’entrée à l’école élémentaire doive se préparer, notamment par le biais d’échanges et d’actions entre les enseignants de GS et de CP, mais aussi entre les écoles et les classes concernées, il ne faudrait pas que ces programmes soient uniquement pensés dans le but d’entraîner les futurs écoliers de « la grande école » aux évaluations nationales de début d’année.
Or, certains attendus de fin d’école maternelle (comme « connaître les correspondances entre les trois manières d’écrire les lettres : cursive, script, capitales d’imprimerie et commencer à faire le lien avec le son qu’elles codent ») sont bien trop exigeants. Ils correspondent d’ailleurs étrangement à ce qu’un élève de grande section devrait savoir faire pour réussir facilement les évaluations. Mais certaines compétences évaluées n’ont pas à être maîtrisées dès l’entrée au CP.
Il est essentiel également que les apprentissages et méthodes ne soient pas formatés et que les enseignants de maternelle ne soient pas réduits à de simples exécutants. La liberté pédagogique, qui permet l'épanouissement de l’enseignant avec ses élèves, doit être absolument préservée.
Un contexte d’enseignement qui demeure tendu
Ce remaniement des programmes est l’arbre qui cache la forêt. D’autres sujets sont à mettre sur la table pour améliorer la situation des élèves de maternelle et de leurs enseignants.
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Formation
La formation aux spécificités de l’école maternelle des jeunes professeurs et de ceux qui y sont nouvellement nommés n’est pas encore assez solide. Selon les programmes, l’enseignement en école maternelle « demande une compréhension fine des mécanismes de l’apprentissage et la prise en compte des étapes du développement du jeune enfant » …
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Locaux
On oublie parfois que l’éducation se veut nationale. Malheureusement, trop de disparités sont observables : les locaux ne sont pas toujours adaptés et l’accès aux équipements et matériels pédagogiques dépend encore trop largement du bon vouloir des communes ou de leurs finances. Trop nombreux sont les enseignants de maternelle qui sont contraints d’utiliser leurs propres deniers afin de meubler ou d’équiper leur classe, d’acheter les fournitures nécessaires aux apprentissages ou encore de fabriquer avec les moyens du bord de simples jeux ou « activités tiroirs… ». Une école maternelle qui réussit ne peut pas se concevoir comme une école au rabais.
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Détection des troubles de l’apprentissage et du comportement
C’est bien souvent à l’école maternelle que sont repérés pour la première fois les élèves à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap. Cette détection s’opère alors que le jeune âge des élèves requiert un accompagnement et une attention de tous les instants, ce qui engendre des difficultés importantes de gestion de classe. Ce travail de détection est d’autant plus complexe à mener que les taux d’encadrement et les moyens humains alloués ne sont pas à la hauteur des ambitions pour l’école maternelle française dont le nombre moyen d’élèves par classe fait partie des plus importants de l’OCDE.
Les ATSEM sont, pour des raisons pratiques, souvent attribuées préférentiellement aux classes de TPS et de PS. L’administration elle-même pousse parfois dans ce sens (voir à ce sujet une note du pôle maternelle de la DSDEN 33).
Les RASED, toujours plus restreints, n’ont pas la possibilité d’épauler correctement les équipes.
Les élèves notifiés AESH par la MDPH ne sont pas tous accompagnés. Les temps d’attente de réception des notifications sont encore trop longs et laissent les équipes dans une autonomie subie de gestion de la prise en charge de l’élève au sein de la classe, et, régulièrement, dans un profond désarroi.
Ce dernier remaniement des programmes en date ne bouleversera pas le quotidien de ceux qui exercent en école maternelle. Il est dommage que la stabilité prônée par le ministre et souhaitée par le terrain aient été mise à mal pour si peu.
Olivier Bultel
Membre du bureau national