ACTUALITÉS NATIONALES
1er décembre 2021
Évaluation d’école : ce n’est ni le moment, ni la priorité
L’évaluation d’école est un nouveau dispositif qui découle du Grenelle. Le ministère entend le mettre rapidement en application. L’administration souhaite que toutes les écoles de France et de Navarre soient évaluées d’ici 5 ans.
Le SNE comprend l’intérêt que pourrait avoir ce système. Mais pour l’heure, trop de choses nouvelles sont à mettre en place. En ces temps où la pression exercée sur les enseignants n’a jamais été aussi forte, la priorité n’est pas à l’instauration des évaluations d’écoles.
Qu’est-ce qu’une évaluation d’école ?
Elle se décline en 3 étapes : une auto-évaluation, une évaluation externe et un suivi externe.
Étape 1 : l’auto-évaluation couvrira 4 domaines
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Apprentissage et parcours/suivis des élèves et de l’enseignement
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Le bien être des élèves et le climat scolaire
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Les acteurs, la stratégie et le fonctionnement de l’école
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L’école dans son environnement institutionnel et partenarial
Cette démarche permettra d’identifier les besoins de l’école. Elle ne remet pas en cause l’existence du projet d’école. L’administration souhaite développer la capacité à s’auto-évaluer car elle a été relevée comme un facteur qui favorise la réussite des systèmes éducatifs internationaux les plus performants.
Étape 2 : l’évaluation externe se décomposera en 3 temps
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La préparation de la mission
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La visite dans l’école
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La rédaction du rapport
Les évaluateurs seront au nombre de 3 ou 4 : un IEN d’une autre circonscription, un pair (directeur), un CPC, un membre du réseau, un personnel de direction….
L’objectif est d’aider, d’interroger l’analyse des besoins et la pertinence des objectifs, de faire comprendre que chaque décision prise dans l’école impacte les apprentissages. Cette terminologie importée du monde de l’économie occulte totalement la dimension sociale et humaine. Ce qui est visé par cette évaluation, c’est en fait l’efficacité voire l’efficience des pratiques dans l’école.
La rédaction du rapport s’appuiera sur des données chiffrées, sur des indicateurs, sur les représentations des familles et des élèves sur le fonctionnement de l’école. Vous lisez bien, familles et élèves sont parties intégrantes de l’évaluation.
Pour le SNE, développer la coopération avec les familles est une évidence. Les associer à une évaluation de l’école est inacceptable. La relation de proximité de l’école avec les familles, caractéristique du premier degré, s’en trouverait forcément biaisée.
L’administration estime à 30h cumulées le travail préparatoire à cette évaluation qui, entre parenthèses, n’engage aucun frais pour le législateur.
Etape 3 : le suivi externe
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Le suivi et l’accompagnement des équipes sur les 4 années qui suivront l’évaluation.
Un très mauvais timing
Cette révolution copernicienne de notre système d’évaluation est précipitée. Des changements doivent s’opérer en amont.
En effet, l’évaluation d’école nécessite un changement de pratiques et de mentalités. Aujourd’hui, notre système demeure descendant, pyramidal avec une hiérarchie directive et infantilisante. L’évaluation est majoritairement perçue par la profession comme un jugement, et ce à juste titre.
L’évaluation d’école prône l’auto-évaluation, la collaboration, la synergie et l’autonomie des équipes avec un directeur aux commandes. L’évaluation est considérée ici comme "donnant de la valeur à".
Pour que ce processus fonctionne, il est nécessaire de développer le travail d’équipe. Tout cela se construit, nécessite un surcroît conséquent de temps. Or, l’année est déjà bien commencée. Sur quel temps faudrait-il imputer l’auto-évaluation ? Les 108 heures ? A ce jour, elles sont déjà organisées et bien entamées. De plus, même si les collègues disposaient de temps, le fonctionnement d’une école ne se prête pas au dispositif tel qu’il est envisagé par l’administration.
Dans la réalité, les écoles ne disposent de presque aucune autonomie. Placées sous la férule de l’IEN et du DASEN, leurs marges de manœuvre sont réduites et contraintes. La loi Rilhac, si elle vient conférer quelques pouvoirs non hiérarchiques aux directeurs, pourrait permettre aux équipes d’être davantage décisionnaires de ce qui se passe dans leur école. Aujourd’hui, rien n’a encore changé.
Le ministère semble oublier l’état actuel de nos écoles qui subissent depuis plus de deux ans la succession des mesures liées aux crises sanitaire et sécuritaire avec des conditions de travail complexes et dégradées. Les équipes s’adaptent, se réinventent au quotidien.
La coupe est pleine, le temps semble long et interminable. Les collègues sont fatigués, voire à bout de souffle, alors que nous ne sommes qu’au début de l’année. Laissez passer l’orage monsieur le ministre, accordez du temps aux enseignants, laissez-les respirer et attendez qu’une crise soit passée avant d’envisager alourdir encore le travail des enseignants du premier degré.
Geoffrey Capliez
Secrétaire général