ACTUALITÉS NATIONALES
26 janvier 2022
Carte scolaire 2022 : un simple jeu de mots ?
Une annonce séduisante
L’annonce de la dotation nationale de 1 965 «moyens d’enseignement» (et non «postes», la nuance est importante) pour une baisse prévisionnelle de 67 000 élèves pourrait satisfaire l’observateur profane. Oui, le taux d’encadrement va augmenter, c’est vrai. Oui, ces «moyens d’enseignement» se traduiront bien par des ouvertures de classe, c’est indéniable. Mais à y regarder de plus près, d’autres certitudes apparaissent.
Des moyens plutôt que des postes
La première certitude, c’est que ces «moyens d’enseignement» sont issus de la réforme de la formation initiale. Les M2 MEEF "alternants" deviendront à la rentrée 2022 des PES à plein temps en classe (et non plus à mi-temps comme c'est le cas actuellement), constituant ainsi un vivier «gratuit» et presque providentiel d’enseignants. Il n’est donc pas nécessaire de créer des postes de professeurs des écoles qu’il faudrait budgétiser : les stagiaires, déjà payés, travailleront simplement deux fois plus devant élèves, sans que cela ne coûte un centime à l'Etat. La seule obligation consiste à passer de la terminologie «postes» en «moyens d’enseignement».
Ces personnels sont peut-être plus qualifiés que les contractuels auxquels on a recours actuellement, moins fatigués que les retraités auxquels le ministère fait appel, mais ce ne sont pas des enseignants chevronnés. Leur faire supporter une charge pour laquelle ils ne sont pas encore prêts, c’est courir un risque pour eux et pour leurs élèves.
Le SNE reste favorable à une plus grande acclimatation des futurs PE au travail en classe lors de leur formation, tout en se gardant de leur faire porter un poids qu’ils ne sont pas encore prêts à supporter pleinement.
Une solution qui ne règle pas le problème du remplacement
La seconde certitude, c’est que ce tour de passe-passe sémantique révèle un manque cruel d’ambition pour l’école. L’essentiel est que cela ne coûte rien. Et que sur le papier, ça passe.
Pour le SNE, il faudrait surtout faire mieux, profiter de l’occasion pour acter une dotation plus importante et augmenter, par exemple, le nombre de remplaçants qui ne suffisent pas à couvrir les besoins en temps normal et qui manquent cruellement pendant cette crise dont on ne sait quand elle va s’arrêter.
Des effets réels mais trop peu sensibles
La dernière évidence réside dans la banalité programmée des choix de carte scolaire qui devront être opérés dans les départements. Malheureusement, une fois utilisés les moyens nécessaires à l’amélioration des décharges de direction, à la limitation des GS, CP et CE1 à 24, ainsi qu’à la finalisation des dédoublements en éducation prioritaire, que restera-t-il pour les autres classes ?
Ces orientations ont permis des avancées incontestables dans les écoles qu’elles concernent. Le nombre moyen d’élèves par classe diminue. C’est un fait incontestable qu’il faut savoir apprécier. Mais c’est aussi une réalité qui n’est pas celle de tous les départements. Les disparités à ce sujet sont criantes.
Ce qui est patent, c’est que le quotidien de la grande majorité des PE n’a pas été sensiblement amélioré. La charge de travail induite par un grand nombre d’élèves et par la politique d’inclusion généralisée n’est pas étrangère à cet état de fait.
La pénurie d’enseignants demeure un sujet central dans cette crise. L’importance de l’école a été mise en lumière comme rarement auparavant. Et pourtant, au final, il faudra banalement choisir quelle école aura le privilège d’obtenir une ouverture et laquelle devra supporter ses 28 élèves de moyenne.
Notre syndicat déplore un rendez-vous manqué. Ces temps de crise exceptionnelle auraient pu être l’occasion de doter l’Ecole de moyens exceptionnels qui auraient permis de répondre aux besoins immédiats et d'assurer un meilleur fonctionnement lors du retour à une période plus « normale » que nous espérons tous.
Patrick Ruiz
Membre du bureau national