ACTUALITÉS NATIONALES
13 avril 2023
La déshumanisation de la gestion des remplacements
“Une absence imprévue ? Pas de stress, Andjaro vous aide à trouver un remplaçant rapidement. La solution parfaite face au sous-effectif. Demandez votre démo dès maintenant !” (source : annonce Google)
Quel bon chef d’entreprise se priverait de pareille proposition ? Pas l’Éducation nationale visiblement, puisqu’elle s’est emparée de cet outil. Elle l’a déployé dans une dizaine de départements à la rentrée 2022 pour gérer les remplacements.
Pour le SNE, il s’agit d’un outil comptable qui ne réglera pas le problème systémique du manque de titulaires remplaçants.
Une dérive technocratique pour masquer les manques de personnel
L’éducation nationale devient peu à peu une “entreprise” comme une autre. Le vocabulaire managérial et les pratiques associées ont déjà largement pollué notre environnement professionnel.
Utiliser une application comme Andjaro découle d’une intention de rationalisation et d’économie à laquelle il est intuitif de souscrire. Réduire les coûts et standardiser les procédures semble de bon sens.
Cette solution ne règle cependant pas le vrai problème, celui du manque de personnel pour assurer les remplacements. Ce n’est pas pour rien que certains départements, alors même que leur dotation globale d’enseignants diminue, choisissent de renforcer leurs équipes de remplaçants.
La société qui commercialise l’application affirme elle-même que le manque de personnel est le problème à traiter en se clamant : "la solution parfaite face au sous-effectif".
Depuis plusieurs années, le nombre d’élèves est décroissant en France. Le simple maintien du nombre d’enseignants aurait pu permettre de disposer de plus de collègues titulaires remplaçants (TR).
Mais le métier n’attire plus. Alors, dans l’attente d’un hypothétique retour des vocations, notre administration préfère investir dans une application. Le SNE regrette ce choix. Dans le cadre du métier d’enseignant, notre syndicat préfère l’humain à la machine.
La gestion des ressources humaines par une machine
Pour une nouvelle "efficacité", les TR se voient désormais traités comme des pions que l’on place sans considération personnelle particulière là où un besoin s’est fait sentir. Ces collègues, engagés dans leur fonction avec foi et passion, sont désormais déshumanisés. Ils s'enfoncent dans une souffrance professionnelle qu’ils décrivent comme une “absence de reconnaissance”.
Comment pourrait-il en être autrement alors qu’ils avancent sur le tapis roulant de l’application devant un gestionnaire centralisé qui les distribue comme des articles dans des rayons ? La relation entre les secrétaires de circonscription et les T.R. constitue un espace d’échange, de dialogue, d’adaptation. Celui-ci disparaît au profit d’un système perdant/perdant dans lequel les premiers perdent une richesse de leur métier, et les seconds une occasion d’être reconnus en tant que personne.
Pour le SNE, il est indispensable de conserver le lien entre les secrétaires de circonscription et les TR, deux professionnels dont aucune application ne pourra égaler le sens aigu du service.
La problématique des remplacements et des pénuries associées ne sera pas résolue par une application. Elle nécessite de disposer de suffisamment de personnel. Pour cela, il faudra commencer par réussir à donner à nouveau aux jeunes l'envie d’enseigner. Cela passe, entre autres, par une revalorisation de la profession d’enseignant qui lui redonnera le lustre et l’attrait perdus.