ACTUALITÉS NATIONALES
27 juin 2023
Le numérique à l’école : pour ou contre ?
Dans un article paru dans Le Monde le 21 mai 2023, on lisait «La Suède juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves et veut un retour aux manuels scolaires». On y apprend que le numérique a pris une place considérable dans l’enseignement au cours des quinze dernières années. Un enseignant suédois sur cinq estimait même qu’un collégien ou un lycéen n’écrivait jamais à la main ou très rarement. On y lit aussi qu’un enfant sur deux, à l’âge de 3 ans, utilise Internet quotidiennement, que 20% des enfants entre 5 et 8 ans ont un smartphone et que 32% d’entre eux possèdent une tablette.
Pour la ministre de l’Education nationale suédoise, le lien entre l’utilisation intensive du numérique et la baisse du niveau en lecture et en compréhension est incontestable. Elle souhaite revenir au manuel scolaire et va y mettre les moyens (685 millions d’euros en 2023 et 500 millions d’euros pour 2024 et encore 500 millions d’euros pour 2025). Le niveau moyen des élèves suédois reste pourtant au-dessus de la moyenne européenne, selon l’étude Progress in International Reading Literacy Study, réalisée tous les cinq ans depuis 2001 et conduite par l’IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement).
Quelle est la situation en France ?
Dans cette même étude, les résultats de la France restent stables depuis 2016 (cela malgré la pandémie que nous avons traversée). Nous sommes cependant en-dessous de la moyenne européenne, tout en étant supérieurs à la moyenne des pays testés.
Chacun le sait, l’usage du numérique à l’école varie considérablement d’un endroit à un autre. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte et notamment les possibilités ou la volonté d’achat de l’équipement, pour les écoles, par les collectivités locales. En janvier 2023, notre ministère publiait un document intitulé «Numérique pour l’éducation 2023-2027, la vision stratégique d’une politique publique partagée»
Dans le préambule de ce document, le ministre dit que l’école «doit donner à tous les élèves les compétences pour comprendre la transformation numérique, en explorer la richesse et en éviter les pièges.» Pour énoncer cela, le ministre s’appuie sur une enquête de 2018. Cette enquête fait apparaître que 43,5% des élèves de quatrième sont faiblement compétents en littératie numérique et que 1% d’entre eux seulement est capable d’exercer un contrôle et un esprit critique lors de la recherche d'informations.
Pourtant, des compétences numériques sont travaillées depuis plusieurs années dans les écoles. Alors pourquoi ces résultats ?
Au SNE, nous pensons qu’il ne suffit pas d’immerger les élèves dans la pratique du numérique à l’école. Il convient de cibler les situations pour lesquelles l’usage du numérique est pertinent et de ne pas exposer nos élèves aux autres. Nous estimons aussi qu’il ne faut pas confondre l’utilisation d’un ordinateur pour réaliser un exercice de géométrie ou de français et la pratique réfléchie du numérique.
Aujourd’hui, il est communément admis que la plupart des enfants qui nous sont confiés passent beaucoup de temps devant les écrans et savent très bien manier la souris, le trackpad ou utiliser une tablette. Ce n’est donc plus cet apprentissage basique qui est attendu.
Ce que doit faire l’enseignant aujourd’hui, c’est aider les élèves à savoir discerner les manipulations, repérer les fake news ou croiser les sources. Pour cela, il convient de savoir lire et d’acquérir de la culture, d’être capable de prendre du recul, d’analyser ce qui leur est énoncé. Ces dernières tâches sont d’autant plus difficiles que l’image et l’accès à l’information via un écran sont séduisantes. Pour réussir cela, il est donc facilitant de commencer par éviter l’usage de l’écran, afin de lui appliquer ensuite les techniques apprises via les livres.
Actuellement, la formation continue ne permet pas aux enseignants de s’emparer des outils numériques. Le temps est trop contraint pour que l'enseignant se lance dans de longues recherches où, trop souvent, il est livré à lui-même. Pour que ce temps de recherche soit profitable, il faut d’ailleurs être soi-même suffisamment à l’aise avec l’outil numérique.
Le ministère semble vouloir développer de bonnes pratiques du numérique, en simplifiant l’accès à des ressources regroupées, en toute sécurité, pour les professeurs. Gageons que le chemin qui aidera le professeur des écoles à choisir les ressources pertinentes pour sa pratique de classe sera encore long et semé d’embûches.
Aujourd’hui, le SNE est POUR le numérique à l’école, à condition que ce dernier apporte une vraie plus-value à l’enseignement. Pour cela, il est indispensable que les PE qui en expriment le besoin soient accompagnés dans la mise en œuvre de ces changements par de véritables formations. Si ces deux conditions ne peuvent pas être remplies, la primauté au papier doit continuer à prévaloir à l’école.