ACTUALITÉS NATIONALES
3 mars 2025
Quand inclusion rime avec implosion
Témoignage d’une adhérente du SNE
Je ne pourrais écrire «explosion» car beaucoup préfèrent encore la poussière cachée sous le tapis dans les écoles.
Précisément, dans l’établissement où j’exerce, en tant qu’adjointe, un élève du dispositif ULIS «essore» le personnel, depuis 2 ans. Insultes, coups, crachats, fuites… ponctuent le quotidien des AESH. Tout au long de la semaine, ceux-ci se relayent autour de cet élève (qui d’ailleurs n’est plus en capacité de l’être), à plusieurs ou en renfort. Les enseignants, la directrice, doivent parfois eux-mêmes prêter main forte.

En dépit des signalements, réunions, rencontres avec les parents, hiérarchie, famille d’accueil… sa violence persiste et s’amplifie. Cet enfant gagne en force physique, ce qui le rend d’autant plus redoutable. Nul ne peut douter de sa profonde détresse, parallèlement à celle des AESH atteints dans leur intégrité physique mais aussi mentale. Certains ont été mis en arrêt maladie, pour d’autres, des constatations médicales suite aux coups, morsures, chutes ont été établies.
Mais le problème s’enkyste, en dépit d’un protocole de gestion récemment établi par une conseillère pédagogique qui, il est vrai, n’a pas pu vraiment nous le présenter. Tout le personnel de l’école (enseignants, AESH) convié à cette réunion de présentation a surtout évoqué son ras-le-bol, sa souffrance et je n’étais pas en reste. On ne peut prétendre détenir la solution (couchée sur papier) sans a minima, au préalable, écouter, compatir au quotidien infernal engendré par l’inclusion de cet enfant.
A la suite de cette réunion éprouvante, on nous a informés que des suites officielles visant à nous «recadrer», à commencer par les AESH, se dérouleront prochainement. Le pire est un puits sans fond…
Je ne pensais pas qu’un jour, j’en serais amenée à me poser les questions suivantes : faut-il faire primer coûte que coûte, l’obligation scolaire sur le soin dont un enfant a besoin ? Jusqu’où l’inclusion systématique va-t-elle dérouler ses conséquences délétères sur les personnels mais aussi les enfants eux-mêmes, premières victimes de cette si «généreuse» idée ?
Chacun y trouvera des éléments de réponse peut-être, dans ce billet d’humeur d’une enseignante bien ordinaire que je suis.
Quand inclusion rime avec implosion et… surtout saturation.
Un triste constat …
Ce témoignage met en lumière les dérives de l’école inclusive telle que nous la pratiquons en France. La logique d’inclusion suivie actuellement ne fait aucune distinction entre les élèves porteurs de handicap que l’on peut inclure dans des classes “ordinaires” et ceux qui ont des pathologies tellement lourdes que seul un encadrement spécialisé et souvent médicalisé pourrait les aider à devenir élève. L’inclusion est aujourd’hui pratiquée à outrance, jusqu’au sacrifice du collectif parfois sans profit de l’individuel.
L’école remplit sa mission de la manière la plus naturelle qui soit lorsque le handicap de l’enfant lui permet malgré tout d’être élève, c'est-à-dire d’apprendre et de s’intégrer dans le cadre scolaire, avec ou sans aménagements. Les enseignants, AESH et directeurs s’y attellent avec une volonté dont notre profession et notre société peuvent être fiers. Mais quand le handicap est trop envahissant pour que l’enfant se retrouve en capacité de devenir élève, que l’école ne peut plus remplir sa mission pour les autres élèves et qu’elle ne préserve plus la santé et la sécurité de ses personnels, le principe de l’inclusion est dévoyé. L'inclusion devient un simple synonyme de présence physique, alors réalisée faussement, au détriment de tous.
Le SNE était présent au Comité National de Suivi de l’Ecole Inclusive (CNSEI) du lundi 24 février 2025 à Paris
Pour la première fois, les représentants du personnel de l’Education nationale - dont le SNE - étaient conviés à cette instance, aux côtés d’Elisabeth Borne - ministre de l’Education nationale, Charlotte Parmentier Lecocq – ministre déléguée de l’autonomie et du handicap, Caroline Pascal - directrice de la DGESCO, Jean Benoit Dujol – directeur général de la cohésion sociale, Etienne Pot – pour représenter le conseiller école inclusive et de nombreuses personnes représentant des associations en lien avec le handicap, directeur de pôle médico-éducatif et handicap, AIRe (association des ITEP et de leurs réseaux), représentante AMF, …
Notre intervention lors des débats
Au SNE, nous avons conscience que la loi sur le handicap de 2005 est une mesure humaniste incontestable et qu’elle participe à la lutte contre les discriminations. Cette loi a toutefois entraîné un bouleversement majeur dans le métier d’enseignant, un changement dans les pratiques et une nécessaire adaptation au quotidien.
Les difficultés des acteurs de terrain dans la mise en œuvre de l’inclusion ne doivent pas être occultées. Le processus voulu par la loi de 2005 n’est pas terminé et nécessitera des évolutions.
Notre syndicat voit deux obstacles majeurs à une inclusion réussie et profitable à tous :
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Le manque de personnel accompagnant (ou alors avec un volume horaire insuffisant)
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Les difficultés importantes rencontrées par les enseignants ou les AESH lorsqu’ils font face à des élèves manifestant des troubles du comportement.
Est-il acceptable de considérer une inclusion réussie lorsqu’un élève empêche l’enseignant de remplir sa mission, à savoir transmettre des valeurs et des connaissances ? Est-il acceptable de porter ainsi sciemment préjudice aux autres élèves, aux autres familles ? Relève-t-il du rôle de l’enseignant de gérer dans sa classe les comportements violents et récurrents d’élèves notifiés comme relevant d’institutions spécialisées ?
Quelles réponses apporter face à ces situations qui n’ont pas lieu d’être à l’école ?
