ACTUALITÉS NATIONALES
8 octobre 2019
Professeur des écoles : un métier à risque
Dans une étude de 2016, la DEPP s’est penchée sur l’exposition des enseignants aux risques psychosociaux (RPS). Ce qu’elle a relevé pour les professeurs des écoles ne surprend malheureusement pas.
La DEPP a identifié sept grandes catégories de RPS. Nous vous proposons de revenir sur trois d’entre elles.
Le manque de soutien hiérarchique
« Les enseignants déclarent manquer de soutien de leur hiérarchie et de moyens nécessaires pour bien faire leur travail, tant au niveau du matériel que de la formation. »
Ce sentiment d’abandon est assez communément répandu. L’isolement géographique, dans certaines zones rurales ou de montagne, joue un certain rôle. Il est néanmoins encore malheureusement courant de rencontrer des collègues qui attendent indéfiniment des réponses de leur IEN ou de la DSDEN, qui en sont réduits à payer de leur poche du matériel pédagogique ou qui se rendent sur leur temps personnel à des formations qui les intéressent et qui ne seront pas prises en compte sur leur temps de travail.
Le manque de soutien hiérarchique amène les collègues à se débrouiller tout seuls, ce qui est épuisant et dangereux. Le manque de soutien peut empoisonner la vie professionnelle. Voilà pourquoi il est indispensable, d’abord d’être bien assuré, ensuite d’être épaulé par un syndicat.
La récente agression d'une enseignante à Agde (à lire ici) a montré comme le fait d'être soutenu par un syndicat pouvait changer du tout au tout la réponse apportée par notre hiérarchie.
Le manque de soutien entre collègues
« La part des enseignants est plus élevée sur les variables traitant d’un manque de relationnel avec leurs collègues que celle des cadres, notamment ceux du second degré »
Dans le premier degré, le travail d’équipe est censé être de mise, la fédération devant passer par les projets d’école obligatoires. Mais voilà, dans la réalité, l’esprit d’équipe ne s’impose pas. La preuve ? « 73 % des enseignants du premier degré déclarent travailler seul. »
L’isolement est une réalité de notre profession. Il s’étend à tous les domaines de son exercice. Quand on sait à quel point celui-ci est devenu plus difficile, on ne peut plus s’étonner de l’accroissement du nombre de burn-out et de dépressions dans notre profession.
Les exigences émotionnelles
« Tous les métiers en contact avec un public déclarent ressentir des tensions avec leur public. ... De fait, les enseignants du premier degré ont un indice moyen d’exposition de ce facteur de RPS très élevé et doivent maîtriser leurs émotions. »
Notre société est dure. Les situations des enfants que nous recevons dans nos classes sont parfois compliquées, précaires voire misérables. Nous ne pouvons évidemment pas en faire abstraction. Mais ce n’est pas forcément là le plus compliqué à supporter.
Nous exerçons à une époque où le mot droit prime trop souvent sur le mot devoir. Nos élèves et leurs parents sont devenus des usagers d’un service public. Ils demandent des comptes, parfois de manière particulièrement virulente, allant, dans des cas extrêmes, jusqu’à menacer de mort l’enseignant de leur enfant. Ce sont ici la place de l’École et celle de l’enseignant dans notre société qui sont en jeu. La déconsidération est aujourd’hui de mise.
Voilà bien pourquoi le SNE lutte pour le retour du respect aux enseignants, respect qui passe par la reconnaissance de leurs décisions, par la reconnaissance de leur statut de représentants de l’État et par la reconnaissance pécuniaire.
Des conclusions confondantes pour notre profession
« L’indice global d’exposition aux facteurs de RPS indique que les enseignants, surtout dans le premier degré, ont une exposition moyenne significativement plus élevée que les autres populations. »
Comparativement aux autres cadres et professions intermédiaires, du public comme du privé, nous exerçons donc un métier à risques. Ce n’est pas un syndicat qui le dit, mais une autorité indépendante qui l’affirme. Puisque notre administration le sait, il serait bon qu’elle en tienne enfin compte.
« Parmi les enseignants, le premier degré ressent plus de tensions psychosociales dans son métier, notamment au niveau de l’intensité, de la complexité du travail et du manque de soutien hiérarchique. »
La mise en place de services de relations humaines de proximité sera peut-être, à terme, une réponse partielle à cette problématique. Les questions du rythme de travail, de sa complexité et du manque de soutien restent encore à traiter.
« C’est le premier degré qui souffre le plus des facteurs de RPS. En effet, ils ressentent davantage l’intensité et la pression qui sont liées à leur travail, pour peu de relationnel avec leur hiérarchie ou leurs collègues. Ce constat rejoint l’idée qu’enseigner tend vers un métier solitaire où le rapport social est peu sollicité en dehors des élèves, même sur le plan du partage et de la transmission de son expérience. »
Enseigner est donc, surtout dans le premier degré, vécu comme une activité solitaire. Cette solitude conjuguée à la multiplication des tâches annexes à l’enseignement et à l’exposition à des demandes toujours plus urgentes et toujours plus impératives fragilise jusqu’aux plus solides des PE et broie les autres. Comment résister, en effet ? Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les moins de 30 ans se sentent moins exposés aux RSP que les plus de 50 ans. La multiplicité des expériences pèse.
En ces temps où l’on parle de réforme de carrière, de refonte de retraite et de priorité au primaire, il serait bon que notre administration se rappelle des difficultés relevées dans cette étude et en tire les justes conséquences.
Pour sa part, le SNE s’emploiera à ne pas vous laisser seul et à rappeler notre employeur à ses responsabilités vis-à-vis de nous tous.
Philippe Ratinet
Secrétaire général aux publications